Avec la pandémie de Covid-19, mais aussi avec la prise en compte d'un nécessaire développement durable pour affronter le réchauffement climatique, la gouvernance ESG s'est imposée comme un concept phare pour les grandes entreprises. Au fur et à mesure, ce concept s'est même diffusé pour atteindre tous les types de sociétés. Il est de plus en plus courant d'entendre les startups intégrer une gouvernance ESG avant même leur première levée de fonds.
Les sociétés de gestion en private equity ne sont pas en reste et ont fait le choix d'intégrer la gouvernance ESG d'une entreprise dans leurs critères d'investissements. C'est justement le sujet que nous allons aborder ici. Bonne lecture !
Derrière les initiales E, S et G se glissent trois mots, trois concepts qui ont pour objectifs de révolutionner l'analyse des résultats des entreprises.
Tout d'abord, le critère environnemental, qui prend une part fondamentale compte tenu du réchauffement climatique. Derrière ce critère vague, entrent en jeu la gestion des déchets, les efforts en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation énergétique. Mais aussi, les travaux et gestes de prévention durable des risques liés à des catastrophes industrielles (marées noires, contamination des sols…)
Ensuite vient le critère social. Il est assez méconnu, mais répond à des besoins d'homogénéisation du droit du travail à l'échelle mondiale. En effet, l'éparpillement des prestataires et de la chaîne de valeur nécessite des conditions de travail similaires entre les différents maillons de la chaîne. Aussi bien pour garantir la qualité du produit fini, que pour l'image de marque de l'entreprise. Dans le critère social, on inclut donc le respect du droit des employés et le dialogue social dans la politique de gestion des ressources humaines, la prévention des accidents du travail, la formation du personnel. Le critère social inclut également la parité hommes/femmes au sein des conseils d'administration, et un pourcentage de salariés handicapés.
Enfin, le critère de gouvernance est probablement le moins connu de tous. Il inclut la lutte contre la corruption, le respect de la transparence en matière de rémunération des dirigeants, et des relations apaisées entre les actionnaires et la direction de l'entreprise (Président, Conseil d'Administration).
Ces critères de par leur nature peuvent être sujets à des manipulations de la part des émetteurs. C’est pourquoi la validation de l’impact des émetteurs sur ces critères doit être mesuré par des labels indépendants tels que le label ISR, le label Greenfin ou encore Finansol qui existe depuis 1995.
Ces trois critères sont progressivement intégrés dans le processus de décision d'investissement des entreprises, et conditionnent même l'attribution de certains financements.
La manière la plus courante est d'utiliser des indicateurs spécifiques. Par exemple, pour le critère environnemental, on peut utiliser l'empreinte carbone, ou le nombre de litres d'eau consommés par unité de produit fabriqué. Ces indicateurs permettent d'avoir une idée plus précise des progrès de l'entreprise en matière de développement durable, et de la comparer à ses concurrents.
Il est à noter que ces indicateurs doivent être homogènes entre les entreprises, afin de pouvoir les comparer sur un pied d'égalité. C'est le rôle de certaines organisations, comme la Global Reporting Initiative (GRI), qui propose un ensemble d'indicateurs communs pour mesurer la performance environnementale.
Le critère social est un peu plus délicat à appréhender. En effet, il couvre un champ très large, et il est parfois difficile de trouver des indicateurs comparables entre les entreprises. Cependant, certains progrès ont été réalisés dans ce domaine ces dernières années. Par exemple, la GRI propose un indicateur sur le nombre de jours de formation offerts aux salariés par an. Certaines entreprises n'hésitent pas à mettre en avant les chartes qu'elles signent avec leurs prestataires, qui imposent à celui-ci de respecter certains engagements sociaux de la marque (salaire minimum du prestataire supérieur au salaire minimum légal, pas de travail des enfants...). Mais encore une fois, entre le fait de signer la charte et la pratique, il y a parfois un fossé.
Enfin, pour le critère de gouvernance, nous pouvons utiliser un indicateur tel que le pourcentage de femmes au sein du conseil d'administration, ou le ratio entre la rémunération des dirigeants et la rémunération moyenne des employés.
Non, l'approche quantitative n'est pas suffisante. En effet, elle ne donne qu'une image partielle de la gouvernance ESG de l'entreprise. Pour se faire une idée plus précise, il est nécessaire de compléter ces données par une analyse qualitative. Cela peut se faire, par exemple, en interrogeant les dirigeants de l'entreprise ou en menant des enquêtes auprès des salariés. En effet, le critère social peut particulièrement bien se mesurer grâce à l'intervention en entreprise de sociologues du travail, de psychologues spécialisés qui interrogent les salariés sur leur rapport à l'entreprise.
Certains fonds d'investissement parisiens n'ont pas hésité à faire appel à ce type de professionnels pour mesurer la gouvernance ESG d'une entreprise. Pour d'autres critères, comme l'aspect environnemental, une approche quantitative est davantage suffisante.
Les sociétés de gestion de capital-investissement s'intéressent à la gouvernance ESG des entreprises pour plusieurs raisons :
Premièrement, une bonne gouvernance ESG est une source de création de valeur sur le long terme. Une entreprise qui intègre les questions de développement durable dans sa stratégie est plus susceptible de créer de la valeur pour ses actionnaires qu'une entreprise qui ne les prend pas en compte. Certaines études tendent à montrer que les femmes dirigeantes s'intéressent davantage aux réussites à long terme que les hommes. D'où l'importance de renforcer leur présence au conseil d'administration et dans les différentes instances de direction de l'entreprise.
Deuxièmement, les sociétés de gestion mènent des efforts pour se conformer au Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR). Il s’agit d’un règlement européen qui impose aux sociétés de gestion de piloter leurs différents investissements. Et d’ailleurs, on peut même classifier à partir de ce document de loi, les investissements sociétés de gestion en fonction de leur conformité aux critères ESG
Il y a les produits non durables (définis à l’article 6 du SFDR), les produits “light green”, qui n’ont pas d’impact négatif sur la Nature, et qui intègrent les critères ESG dans leur gestion (article 8 du même règlement). Et il y a les investissements résolument durables, dits “dark green”, qui eux sont définis à l’article 9.
Le règlement européen SFDR établit des règles harmonisées de transparence en matière de durabilité au niveau des acteurs (producteurs de produits financiers et conseillers financiers) et des produits financiers.
Le risque de durabilité est défini comme le risque qu'un événement ou une situation dans le domaine environnemental, social ou de gouvernance ait une incidence négative importante sur la valeur de l’investissement (ex : perte financière liée à la faillite d’une entreprise exerçant une activité non durable comme l’extraction de charbon).
La transparence concerne à la fois les entités et les produits. S’agissant des entités, les acteurs des marchés financiers (producteurs, distributeurs) doivent publier sur internet leurs politiques générales d’intégration des risques de durabilité, ainsi que l’impact de cette intégration sur les politiques de rémunération. Les producteurs doivent donc être transparents sur la prise en compte des facteurs de durabilité dans leur processus d’investissement (sélection des valeurs constituant les portefeuilles), de même que les distributeurs dans leurs recommandations d’investissement.
Il faut noter que les conseillers financiers employant moins de trois personnes doivent intégrer les risques en matière de durabilité dans le cadre de leurs processus de conseil, même s’ils ne sont pas soumis à des obligations de transparence du règlement.
S’agissant des produits financiers, la politique d’intégration des risques de durabilité doit être intégrée dans le prospectus des fonds d’investissement. Les Sociétés de Gestion doivent publier des informations sur les méthodes utilisées pour évaluer, mesurer et surveiller les caractéristiques environnementales ou sociales dans les rapports annuels des Fonds.
Les exigences de transparence précisées par le règlement SFDR varient selon leur degré d’intégration des considérations durables. En effet, certains produits n’ont pas d’objectif de durabilité, alors que d’autres mettent en avant, entre autres caractéristiques, des caractéristiques environnementales et/ou sociales (produits « articles 8 »), ou ont pour objectif l’investissement durable (produits « article 9 »).
Pour ces deux derniers types de produits, les obligations de transparence dans la documentation (documents d’informations clés, prospectus, rapports périodiques) sont plus importantes (description des caractéristiques extra-financières, méthodologies employées, mesures d’impact…).
Le règlement européen Taxonomie du 18 juin 2020, définit une classification des activités économiquement durables, afin d'établir le degré de durabilité d’un investissement financier. L’un des objectifs de ce règlement est de limiter les risques de greenwashing via la mise en place d’une liste d'activités considérées comme économiquement durables sur le plan environnemental et de standards de durabilité environnementale.
Avec la pandémie et l’inflation, l’ESG est le troisième défi auquel font face les sociétés de gestion. Elles se sont mises en ordre de marche pour avoir des investissements à minima au niveau de l’article 8 du SFDR (light green).
Dans un étude menée par Bain et l’Institutional Partners, 70% Limited Partners interrogés déclarent qu’ils ont intégré les critères ESG à leurs investissements, 85% de ces derniers ont défini une stratégie ESG pour leur investissement en capital et 50% des LPs ont adopté l’ESG pour augmenter leurs performances.
L’évolution vers un monde plus durable est donc en marche au niveau des fonds et des entreprises et est donc l'œuvre de tous : les investisseurs, les salariés, les consommateurs, la législation et la performance financière.
Le respect des critères ESG amène à une bonne performance financière.
Comme on le voit dans l’étude réalisée par l’ESG Book, les fonds Actions en Europe respectant les critères ESG enregistrent des performances supérieures de 1.59% par rapport à l’indice marché classique sur la période 2017-2021.
Performance financière et finance durable sont aujourd’hui totalement compatibles.